Par: Rachid RAHA
Ce dimanche 1 juillet 2012 marque le premier anniversaire de l’adoption de la nouvelle Constitution, réformée à la suite de la pression du mouvement du 20 février qui aspirait à une constitution plus démocratique que celle-ci.
Le Mouvement Amazigh, [malgré la faiblesse de ses structures organisatrices, son manque flagrant de maturité idéologique, et ses tiraillements et divisions provoquées par certaines formations politiques telles que le PAM et le MP], a réussi l’un des exploits les plus significatifs de son histoire récente, à savoir la consécration de la langue amazighe en tant que langue officielle du royaume. Mais, un an après son introduction dans la nouvelle Constitution, qu’est ce que a été fait en faveur de la langue autochtone des marocaines et des marocains ? Presque rien, malgré le fait qu’elle ait acquis un statut plus valorisant que la langue arabe. Car selon l’article 5 de la Constitution, la langue amazighe, à part son officialité, et à la différence de l’arabe, est reconnu aussi comme langue nationale : « (…) en tant que patrimoine commun à tous les Marocains sans exception».
Les boycotts des élections législatives, préconisé par le mouvement amazigh, a malheureusement facilité l’accession au pouvoir des gouvernements conservateurs aux idéologies fondamentalement rétrogrades, pro-salafistes et anti-amazighes, des gouvernements dirigés par le Parti de l’Istiqlal (PI) en 2007 et du Parti de la Justice et de Développement (PJD) en novembre 2011. Ces deux partis avaient déjà exprimés radicalement leur opposition à ce que la langue amazighe soit érigée en langue officielle. Et maintenant qu’elle l’est devenue, ils ne ménagent aucun effort pour mettre les bâtons dans les roues en ce qui concerne sa promotion ; il n’y a qu’à voir leurs violentes oppositions aux questions orales soulevées récemment au parlement par la députée Fatima Tabaamrant!
En fin de compte, ces successifs gouvernements conservateurs ignorent complètement l’importance des langues autochtones et surtout la relation étroite entre les langues maternelles et le développement humain.
Ainsi, osons-nous poser une question fondamentale : comment se fait-il que le Royaume du Maroc dégringole par rapport à l’Indice de Développement Humain (IDH) établi par les Nations Unies (PNUD) ? Comment se fait-il qu’il se rétrograde de la 112ème place, en 2000, à la 130ème position en 2011 ? Un phénomène inexplicable sachant que le chef de l’Etat, le Roi en personne, s’implique directement dans le social (avec le projet INDH qui vient de décrocher un nouveau crédit de la Banque Mondiale) et surtout le fait que le Maroc est lié à l’Union Européenne par un accord d’association, signé en mars 2000 et renforcé par un « statut avancé » en octobre 2008. Un accord de voisinage qui devrait lui permettre le décollage économique, mais qui fatalement sur le terrain, se traduit par les maigres résultats que reflète l’indice IDH du PNUD !
Alors, qui pénalise ce développement humain ? Le PNUD est sans équivoque, malgré les contestations injustifiées du Commissariat au Plan : les mauvaises performances de la santé, de l’éducation, et l’échec des campagnes d’alphabétisation des adultes. Tout cela revient irrévocablement à la faillite du système éducatif, à cause de la « politique de l’arabisation » préconisée par ces partis politiques conservateurs, et qui marginalise et dévalorise l’importance de la langue maternelle, de l’identité autochtone et l’histoire millénaire des Marocains .
Tant que l’Etat marocain n’affiche pas une vraie volonté politique d’intégration de la langue amazighe dans la vie publique, comme l’y oblige l’actuelle Constitution, le Maroc continuera à sombrer fatidiquement dans le sous-développement. Tant que le gouvernement marocain ne fait pas de l’amazighité une « priorité nationale », tant qu’il ne se précipite pas à généraliser l’enseignement public de la langue amazighe (et par extension la darija), tant qu’il ne l’intégrera pas dans les campagnes d’alphabétisation des adultes, tant qu’il ne lui donne pas les moyens financiers pour son intégration dans l’audio-visuel national, tant qu’il ne fera pas une politique de discrimination positive en faveur de son inclusion au sein de toutes les institutions administratives, de la justice, … le Maroc ne réussira pas son décollage économique, ni son développement humain, et encore moins « sa transition démocratique » !