Par: Rachid RAHA
En regardant la presse marocaine après le débat entre Nabil Ayouche et le penseur Abdellah Laroui, les titulaires de la presse arabophone (Akhbar al yawm, ittihad ichtiraki, …) et islamite (attajdid) se sont tous réagis violament contre Ayouch et ils tous appalaudis les arguments conservateurs de Laroui, plus idéologiques que scientifiques, en minimisant le rôle de l’UNESCO et des pédagogues. Une chose est sûr ceux qui s’alimentent de l’idéologie arabo-musulmane comme la grande majorité des journalistes marocains ne sont guère des nationalistes, ceux qui défendent les intérêts de la nation. Comment voulez vous qu’ils défendent les intérêts de la Nation alors qu’ils ne défendent plus les intérêts des petits, les droits de l’enfant, qui selon l’UNESCO recommande son intégration à l’école par sa langue maternelle !!! C’est pour cela que je vous expose de nouveau mon article sur la dite problématique, rédigé à l’Université Libre de Bruxelles, le 19 février 2010/2960 et publié sur les colonnes du journal « Le Monde Amazigh » n°118 de mars 2010.
Le dernier rapport de l’UNESCO reflète un coup dur au bilan de tout le système éducatif de l’Etat marocain, qui ne fait que s’empirer d’année en année. Un rapport, qui s’apparente à une gifle, et , qui ne fait que confirmer la dégringolade de l’Etat marocain dans tous les indices de classification des pays en ce qui concerne le développement et le bien être social.
En atteste la dernière classification du PNUD à propos de l’indice de développement humain où le royaume est passée de la 123ième position en 2006 vers 130ième en 2009. Pourquoi cette chute vertigineuse malgré le fait que le chef de l’Etat, le jeune roi Mohamed VI, supervise directement tous les projets de l’Initiative Nationale de Développement Humain (INDH) ? Pourquoi le Maroc ne décolle pas ? Pourquoi il ya cette faillite de système éducatif qui pénalise le secteur de la santé et par conséquent ce développement humain ? Pourquoi ce pays sud-méditerranéen, qui possède beaucoup d’atouts, au lieu de progresser, au lieu de créer de la richesse, plus d’emplois à sa jeunesse, s’engouffre dans le sous-développement, s’alignant de plus en plus vers les niveaux de certains pays les plus déshérités de notre continent africain ?
Au fond, la réponse est toute simple, mais il demande à la classe politique et à la société civile marocaines un changement radical. Elle leur exige de faire des ruptures, d’opter pour le changement avec courage et de la détermination.
Le problème de fond c’est que l’Etat marocain s’est basé sur un grand mensonge, que je qualifie volontairement de «mensonge d’Etat », comme quoi la langue maternelle des millions de citoyens marocains est « l’arabe classique ». C’est là où il y a tout le problème du système éducatif qui a subis maintes réformes sans donner aucun résultat palpable. Je dirai que le péché originel, du Maroc et par extension de tous les pays de l’Afrique du Nord, c’est cette énorme confusion de la langue arabe avec l’arabe populaire, dit darija. Cette dernière est en quelque sorte une langue métisse entre l’arabe et le tamazight dont le lexique s’apparente plus à l’arabe mais que la syntaxe est plus proche de tamazight, ce qui lui confère une identité propre et autonome. En réalité, la langue arabe classique, n’est la langue maternelle de personne. Les responsables éducatifs, les politiciens et l’élite marocaines qui suivent aveuglement les idéologies obtuses et rétrogrades importées du Proche Orient ne veulent pas admettre une fois pour toute que la langue maternelle de leurs concitoyens est le darija ou les variantes régionales de tamazight. Toute cette élite politique fait la sourde oreille à l’UNESCO. Elle a toute la responsabilité de confondre cette institution onusienne, qui a déjà sonné l’alarme l’année dernière de la condamnation inévitable à la disparition de certains parlers de tamazight et de darija sans qu’elle prenne aucune initiative afin d’arrêter ce génocide culturelle. Cette classe politique et son élite clientéliste ne veulent pas assumer cette réalité singulière à telle point que l’Etat marocain et ses différents départements ministériels fêtent, tout au long de l’année, toutes les journées mondiales, sauf celle dédiée à la langue maternelle, le 21 février.
Je me rappelle bien que lorsqu’on était impliqué en tant que Fondation « Montgomery Hart » avec l’Université hollandaise de Tilbourg, l’un de nos coordinateurs de projet européen Comenius 2, en l’occurrence le professeur Abderahmane El Aissati, nous confessait que les autorités éducatives des Pays Bas étaient prêtes à enseigner le tamazight pour les enfants issus de l’émigration rifaine. Mais pour cela, il fallait qu’elle soit revendiquée par leurs parents. Malheureusement, ces derniers, amazighs et amazighophones qu’ils soient, préféraient leur imposer l’enseignement de la langue arabe en tant que langue facultative. Ils réjouissaient les attentes des autorités marocaines qui les a dépêchaient des professeurs de langue et civilisation arabes directement du Maroc, qui sont arrivé maintenant à peu prés 500 personnes, répartis dans tous les pays européens !!!
La question à poser encore, pourquoi ces parents d’élèves qui vivent dans des pays très avancés imposaient l’enseignement de la langue arabe au lieu de choisir prioritairement l’enseignement de leur langue maternelle qu’est le tamazight ?
La réponse encore une fois réside dans la défaillance de tout le système éducatif. L’école marocaine, au lieu d’inculquer de l’auto-estime, de la confiance en soi, les valeurs d’orgueil d’appartenir à une des civilisations millénaire qu’est l’amazighe, crée des complexes d’infériorité à tous ceux qui l’ont fréquenté, y inclus des complexes d’identité. Alors tous ces parents qui ont échoué à l’école ne leur restaient que les portes de l’émigration pour faire sortir leurs familles de la pauvreté. Ils méconnaissaient qu’ils ont abandonné l’école parce qu’elle ne répondait pas à leurs caractéristiques linguistico-culturelles, ni enseigner l’histoire de leurs ancêtres…Ces pauvres ne savaient pas que la non considération et le mépris de leur langue maternelle est à l’origine de leurs échecs et celles de leurs enfants auxquels ils ont projeté cette obstination à suivre une école en déphasage avec ces citoyens, et qui répondaient le mieux aux citoyens des pays arabes de Proche Orient come l’Irak, la Syrie ou l’Arabie Saoudite que leur propre pays natale. L’école marocaine, comme l’a souligné le grand islamologue amazigh Mohamed Arkoun, en direct sur un plateau de 2M, transmet de l’ignorance, mais aussi elle véhicule de la peur, de l’insécurité, de la schizophrénie, de dédoublement de la personnalité, etc. L’école aliène les enfants au lieu de libérer leur psychisme, et tous ces enfants, qui ont abandonnés les classes ou échoués dans leur vie scolaire, deviennent par conséquent des proie faciles de la délinquance juvénile et même de l’extrémisme religieux (voir mon article: l’école marocaine produit des terroristes?
Il y a un proverbe espagnol qui dit que pour affronter un taureau, il faut l’affronter par ses cornes !!
L’école marocaine, s’elle veut s’en sortir de son gouffre, de sa profonde crise, -une crise à propos de laquelle s’en fiche beaucoup de nos responsables ministériels, du fait que leurs enfants les ont mis à l’abri en les inscrivant dans les écoles françaises et américaines-, il faut qu’elle fasse sa révolution. Et le meilleur exemple à suivre maintenant ce n’est plus de copier les expériences des pays européens ou nord-américains, il faut juste escalader les montagnes de l’Atlas ou du Rif pour chercher les écoles communautaires Medersat.com de la Fondation BMCE qui font l’objet d’une expérience inédite. Des écoles bien équipées où des enfants issus des régions les plus défavorisées font l’objet d’une expérience sans égale dans l’histoire récente du Maroc. Des écoles qui ont inspirés les responsables de la Fondation de Bill Clinton pour leurs écoles africaines, où des enfants de 5, de 6, de 7, de 8, de 9 et de 10 ans assimilent parfaitement trois langues et chacune d’elles avec sa propre graphie. Des enfants, qu’ils soient arabophones ou amazighophones, et qui ont eu un taux record de réussite en fin de cycle primaire et qui terminent leurs enseignements maternelle et primaire en sachant écrire et lire merveilleusement la langue amazighe avec sa graphie tifinagh, la langue arabe avec sa graphie araméenne et la langue française avec sa graphie latine !!!
En définitive, célébrons cette journée maternelle de la langue maternelle et osons dire aux responsables éducatifs et aux responsables politique, haut et fort, BASTA !!! Arrêtons de faire souffrir nos enfants ! Sauvons nos écoles, en intégrant le plus urgemment possible les vraies langues maternelles des marocains, à savoir le darija et le tamazight. Des langues qui créent de la confiance, de l’auto-estime et de respect à soi-même et à autrui, et qui par conséquent facilitent l’apprentissage des autres langues comme l’arabe classique, l’anglais, l’espagnol, le français…