Honorables Eurodéputé-e-s du Parlement Européen,
A l’occasion de la Journée Mondiale de l’Afrique, j’ai l’honneur d’attirer de nouveau votre attention sur un sujet d’une importance capitale pour l’avenir proche de l’Europe. Comme je l’avais souligné dans ma vidéo-conférence de 30 novembre 2020 portant sur le thème de « Pourquoi l’Union de la Méditerranée ne marche pas ? », à l’occasion du 25ème anniversaire de la Conférence Euro-Méditerranéenne de Barcelone (www.facebook.com/142093689293727/videos/823876788179356 ), l’Union Européenne est toujours menacé par trois grands fléaux : la crise économique provoquée par la pandémie de Covid19, les flux migratoires et le terrorisme islamiste.
Vos dirigeants de l’Union européenne qui ont célébré à Strasbourg la « Conférence sur l’avenir de l’Europe », le dimanche 9 mai dernier à Strasbourg, pour envisager votre avenir pour la décennie à venir, le thème de l’Afrique était absent même s’ils ont abordé la question cruciale de la démocratie. Le président français avait déclaré que : « face à l’autoritarisme, la seule réponse qui vaille est l’autorité de la démocratie » qui « ne se gagne que par l’efficacité et la vitesse »… « Notre démocratie européenne est une démocratie de compromis, d’équilibre, ce qui est une vertu que nous devons protéger, mais c’est aussi une faiblesse quand elle s’étouffe dans ses propres procédures »,.. Mais ce que nous regrettons dans cette journée de l’Europe c’est l’absence de référence à l’Afrique, et le manque de volonté d’encourager et d’étendre cet étendard démocratique aux 54 pays africains, du fait que l’avenir proche de l’Europe est intimement lié à celui de ce continent, considéré comme le « berceau de l’humanité ».
Cependant, le chef de la diplomatie, M. Josep Borrell, avait déjà souligné le 29 octobre dernier (www.youtube.com/watch?v=PMu-HGXiQ0Y) que : « l’Afrique est très importante pour une raison fondamentale : parce que nos intérêts politiques, économiques et de sécurité sont en jeu. L’instabilité en Libye, au Sahel ou en Somalie affecte notre sécurité. Et d’un point de vue démographique et économique, nous allons construire notre avenir, pour le meilleur ou pour le pire, en Afrique ». Il a ajouté que : « les Européens regardent l’Afrique à travers les yeux de la migration. Pour de nombreux Européens, l’Afrique est une source de migrants. Ils regardent sur leurs écrans de télévision presque tous les jours des gens qui essaient de passer par la Méditerranée, sur les côtes européennes, et certains d’entre eux meurent pendant le voyage ».
Ainsi, si l’Union Européenne se décide pour de bon d’entreprendre un « Plan Marshall en Afrique », avec transferts de technologies et de savoir-faire, cela constituerait, sans aucun doute, comme une locomotive qui décollerait l’économie des deux côtés de la Méditerranée, et par conséquent, elle pourrait arriver à limiter les dégâts de la pression migratoire, provoquée par la poussée démographique de continent africain, qui , d’ici à trente ans, sa population passerait d’un milliard 300 millions à plus de 2,5 milliard en 2050, une population qui serait 5 fois plus importante que celle de l’Europe.
Les derniers évènements des flux migratoires Marocains aux Iles Canaries, aux villes nord-africaines de Ceuta et Melilla, des Algériens, Tunisiens et Libyens vers les côtes italiennes, grecques et espagnoles vous interpellent pour changer d’optique, votre stratégie géopolitique vues que sur le prisme sécuritaire, et prendre conscience qu’une fois pour toute que ce désir de renforcer la démocratie et le partage des richesses devrait se généraliser des deux côtés de la Méditerranée. Ces flux migratoires ne pourront être freinés qu’à condition de la reconstruction démocratique de l’Union des pays d’Afrique du Nord (Tamazgha). Comme je l’avais souligné aux ministres des affaires étrangères de nos pays: « Cette nouvelle union devrait se baser plus sur une vision africaniste amazighe et moins sur des considérations idéologiques arabo-islamistes obsolètes que feu l’islamologue Mohamed Arkoun n’arrêtait pas de dénoncer. Une nouvelle union régionale, à l’exemple de l’Union Européenne, qui se base sur l’histoire millénaire de ce continent qui puise ses origines dans la civilisation amazighe. Une union qui se reconstruirait en accord total avec la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, et qui respecterait la déclaration des Nations Unies des droits des peuples autochtones du 13 septembre 2007. Une union qui érigerait comme priorités les droits des femmes, la lutte contre toute forme de discrimination à leur encontre, le respect de la diversité ethnico-linguistique, la pluralité des croyances religieuses et le multipartisme. En définitive, une union qui se baserait sur des valeurs et les principes démocratiques. Si les européens se vantent de l’origine de la démocratie qui remonterait à la création de la ville grecque d’Athènes, vers 800 ans avant. J-C., nous, en tant qu’Africains, nous devons être aussi fiers de nos aïeuls qui ont eu le privilège d’être les pionniers dans l’invention de la « démocratie » dans la cité de Carthage, sous la reine Elisa Didon en 814 avant J-C. (www.facebook.com/142093689293727/videos/2490541604507247). Cette nouvelle union régionale devrait englober de l’ouest vers l’est les pays suivants : la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye et l’Egypte. Une union qui devrait prendre en considération et mettre en place le système politique fédéral, en syntonie avec le « Manifeste de Tamazgha » basé sur le droit à l’autonomie des régions. Un type de système fédéral qui réglerait la question du Sahara marocain occidental et les problèmes sociaux et politiques de la Kabylie et, surtout, qui freinerait et mettrait fin à la guerre civile libyenne. La création artificielle d’un état « arabe » en terre amazighe au sud du Maroc continue à envenimer les relations marocco-algériennes, même en période de la lutte contre le Covid-19. La création et la manipulation du Polisario a ruiné depuis 45 années les économies nationales de deux peuples frères, obligés à dédier des budgets colossaux à la folle course à l’achat de plus en plus d’armements au lieu de le débourser en faveur du bien-être social de leurs Peuples. Un conflit artificiel qui condamne à la faillite leurs fragiles économies aggravées par la propagation du coronavirus, par la chute vertigineuse des prix de pétrole, par l’arrêt des activités industrielles, touristiques, commerciales et autres. »
Mais malheureusement, le pays qui essaie de bloquer, le plus obstinément possible de cette union de Tamazgha, est bel et bien l’Algérie, et plus précisément ses officiers militaires. Ces derniers, au lieu de travailler en faveur d’une prospère Tamazgha qui dispose d’énormes richesses naturelles, qui rayonne par la richesse de son patrimoine historique et culturelle, qui dispose des atouts touristiques incontournables (comme l’attestait la course Paris-Dakar), dépensent tous leurs énergies à bloquer la reconstruction de l’Union des pays nord-africains. Par conséquent, ils condamnent à l’échec cette union de se constituer et qui constitue en un authentique mur de contention contre les flux migratoires. Pire, les généraux algériens sont la source de l’insécurité et du terrorisme djihadiste, au Sahel, en Tamazgha et en Europe. Comme je l’avais souligné dans ma lettre d’avril 2017 à la Chancelière allemande Angela Merkel (http://amamazigh.org/2017/04/lettre-de-lama-a-la-chanceliere-allemande-angela-merkel-a-propos-de-lavenir-de-leurope/) l’Algérie, à part d’utiliser le terrorisme à des fins d’élimination d’opposants politiques, comme le chanteur amazigh Lounès Matoub et feu président réformateur Mohamed Boudiaf, ils sont à l’origine de la sinistre création du groupe terroriste Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).
En dernier lieu, et comme je viens de le demander au président français et à la première vice-présidente du gouvernement espagno , plus que jamais vous êtes appelés et tenus, devant l’histoire, à faire pression sur vos dirigeants de l’UE dans cette urgence afin de déployer vos efforts diplomatiques pour appeler à l’ordre et interpeller ces généraux algériens afin de remettre immédiatement en liberté et sans conditions tous les détenus politiques et de mettre fin à toutes les formes d’intimidation, de harcèlement judiciaire, de criminalisation et d’arrestation ou de détention arbitraires à l’encontre des journalistes, des blogueurs, des défenseurs des droits de l’homme, des avocats, des manifestants et d’arrêter de traiter les militants kabyles et mozabites de fausses accusations de terrorisme, en autorisant des enquêtes indépendantes de tous les assassinats politiques. En définitive, les rappeler que le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux consacrés par la déclaration universelle des droits de l’homme est l’une des clauses figurant dans l’accord d’association UE-Algérie, et que l’article premier de cet accord énonce, de manière explicite, l’encouragement de l’intégration maghrébine en favorisant les échanges et la coopération au sein de l’ensemble maghrébin et entre celui-ci et la Communauté et ses États membres.
Et selon votre salutaire résolution de novembre dernier, il faut demander à vos gouvernements européens d’exiger aux plus hautes autorités militaires algériennes à garantir une reddition de comptes et un contrôle démocratique et de se soumettre à une autorité civile légalement constituée, et à faire en sorte que le rôle de l’armée, comme défini dans la Constitution soit explicitement limité aux questions touchant à la défense nationale. (https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/RC-9-2020-0375_FR.html).
Veuillez agréer, honorables eurodéputé-e-s, nos salutations les plus distinguées.
Rachid RAHA, Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe